Il est de notoriété publique que les marques du monde entier ont l’habitude de détruire les produits sur-commandés et invendus – qu’il s’agisse d’articles en cuir ornés de logos ou de produits cosmétiques non périmés (souvent appelés « deadstock ») – plutôt que de vendre ces articles excédentaires au rabais dans leurs propres magasins ou, plus discrètement, par l’intermédiaire de chaînes de magasins à prix cassés ou, encore, en les donnant à des organisations caritatives.

Les marques de mode – et en particulier les entreprises d’habillement dont les modèles dépendent de la rotation élevée d’articles bon marché et jetables – ne sont pas étrangères aux critiques qui leur reprochent de jouer un rôle dans l’augmentation des volumes de produits gaspillés qui entrent chaque année dans les décharges du monde entier. Cependant, ces dernières années, des développements au niveau juridique et consultatif en Europe – qui se sont concentrés sur l’amélioration des pratiques de durabilité des marques et des détaillants – cherchent à prévenir ces activités néfastes pour l’environnement.  

Bien que les raisons invoquées par les marques varient : mauvaise qualité, défauts mineurs, taches, déchirures, etc., la majorité des vêtements détruits correspondent à des invendus, ce qui équivaut à 40% des produits vendus qui n’ont pas trouvé preneur. Aucune de ces excuses n’est justifiée. Après les scandales de Burberry, Celio et H&M, la loi AGEC entrera finalement en vigueur le 1er janvier 2022, interdisant officiellement aux marques de se débarrasser des produits invendus.

La loi anti-gaspillage pour l’économie circulaire va interdire la mise au rebut des invendus.

Depuis 2019, nous entendons parler de la loi anti-gaspillage pour l’économie circulaire (AGEC), adoptée par l’Assemblée nationale et le Sénat, qui vise à accélérer la transformation des modes de production et de consommation afin de réduire les déchets et de préserver les ressources naturelles, la biodiversité et le climat. »  Pour l’industrie de la mode et du luxe, cette loi signifie que les fabricants, importateurs et distributeurs seront désormais obligés de donner, réutiliser ou recycler leurs invendus ».

Pourquoi l’élimination des produits invendus est-elle un problème dans l’industrie de la mode ?

Jusqu’à présent, chaque marque de mode s’est attaquée au problème des invendus à sa manière : soldes, magasins d’usine, ventes privées, événements de déstockage et journées promotionnelles comme le Black Friday, où des rabais toujours plus importants sont proposés. Or, 40% des vêtements produits par les marques ne sont jamais portés et le stock restant après les soldes est important. C’est pourquoi la plupart des marques brûlent les vêtements ou les jettent après les avoir coupés ou teints avec des substances toxiques telles que l’eau de Javel, afin qu’ils ne puissent pas être récupérés et vendus sur le marché noir.

Plusieurs scandales ont fait grand bruit ces dernières années : en 2017, l’entreprise danoise H&M aurait brûlé l’équivalent de 12 tonnes de vêtements invendus[3]. 3] À l’époque, la marque a affirmé que l’incendie concernait des pièces qui ne répondaient pas aux normes de sécurité de l’entreprise. En 2018, Burberry a estimé la valeur des produits finis physiquement détruits à 32,6 millions d’euros, dont 21 millions d’euros de vêtements et d’accessoires[4]. À l’époque, la maison de luxe avait tenté d’apaiser le public, expliquant qu’elle travaillait avec des experts pour produire de l’électricité en utilisant la chaleur issue du processus de combustion. La même année, des doudounes, chemises et pulls de Celio sont retrouvés mutilés dans des poubelles et attachés à la vitrine de son magasin de Rouen en plein gel [5]. Celio leur a alors expliqué, dos au mur, que les produits pouvaient être importés et qu’ils soutenaient l’ADN (Agence du Don en Nature). 

En général, la réaction des marques de mode semble être automatique : les produits peuvent être importés en raison de « trous, fissures, taches, incohérences ». En cas de doute, ils prendront sur eux de se rendre inutiles. Dans le cas des produits de luxe, l’approche est quelque peu différente. Les marques ne pratiquent guère les démarques et les ventes de stock car elles ont peur de nuire à leur image. Il est très important que ces maisons protègent la liberté intellectuelle et empêchent la contrefaçon. Ainsi, il n’est pas rare que des prototypes ou même des articles coûtant plusieurs milliers d’euros soient détruits.

L’élimination des invendus est une erreur environnementale qui peut être corrigée par la législation AGEC.

L’élimination des invendus signifie que les matériaux, accessoires et produits qui peuvent être utilisés, réparés ou recyclés sont finalement mis au rebut. À ces déchets s’ajoute le coût environnemental de la production des produits indésirables, de leur transport d’un pays à l’autre, de leur stockage (parfois pendant des années dans d’immenses entrepôts avec chauffage et éclairage) et enfin de leur élimination. Il y a beaucoup de gaspillage de matières premières, d’énergie et de kilomètres. Cette pratique est devenue la norme pour les marques, soulignant l’absurdité de leur modèle économique, où les vêtements (et l’environnement) sont détruits, alors qu’elles continuent à faire d’énormes bénéfices.

L’objectif de la loi AGEC est de les obliger à changer de modèle. Désormais, il s’agit non seulement de justifier la destruction des invendus, mais aussi de les interdire et de les sanctionner. En fait, les marques doivent remonter à la source de tous les problèmes : la surproduction. Des solutions existent déjà, comme l’éco-conception, qui facilite le démantèlement des produits pour permettre leur recyclage ou leur élimination en fin de vie, la production attentive et personnalisée, la production à la demande ou selon les besoins, le recyclage des produits existants par le biais de plateformes ou de systèmes de recyclage des anciens produits intégrés à la marque elle-même. La solution existe déjà : le recyclage. Supprimer les causes est sans aucun doute plus difficile et plus long que de justifier les conséquences, mais c’est la seule solution qui soit écologiquement et économiquement saine.

Les sanctions

Le non-respect de la nouvelle loi peut exposer les entreprises à des sanctions financières de 15 000 euros par infraction. En plus des dommages pécuniaires potentiels, l’organisme de réglementation chargé de la protection de la concurrence et des consommateurs peut être autorisé à publier toute infraction en ligne ou dans la presse aux frais de l’entreprise condamnée à une amende, ce qui pourrait exposer le contrevenant à une atteinte importante à sa réputation, d’autant plus que les initiatives en faveur du développement durable continuent d’être importantes pour les consommateurs du monde entier.  

Un problème majeur qui touche également les consommateurs.

Nous avons tous besoin de ralentir. Si le problème est l’élimination des invendus, alors ce n’est que le résultat de la façon dont nous produisons et consommons de plus en plus de nouveaux produits. Le rythme s’accélère, les tendances vont de plus en plus vite, la qualité et la créativité diminuent (…). La production mondiale de vêtements a doublé entre 2000 et 2014 [1]. Dans le même temps, la consommation de mode a considérablement évolué au cours des 20 dernières années. C’est un piège tendu à la planète et à nous (les consommateurs et l’industrie de la mode épuisée).

Author AdminKaparda

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